Quelles compétences clés des acheteurs et commerciaux ont été révélées par les crises successives ?
Après ces deux années de crises et les limitations des réunions en présentiel, ce mois de juin marquait le retour des petits déjeuners formation organisés par By.O Group. Et pour l’occasion, nous nous sommes posé la question : quelles compétences clés ont été révélées par ces crises, parmi les acheteurs et les commerciaux ? Quels enseignements tirer de cette période pour adapter nos pratiques face aux transformations des relations client, partenaires et fournisseurs ?
Compétences : le constat de ces deux années de crises
Sortir du levier prix
Nous partageons tous les premiers constats : ces crises successives ont instauré une période compliquée, qui a même abimé le collectif. Cela a suscité une perte de sens pour certains, mais également fortement impacté le business. Les négociations prix ont été fortes, avec de véritables problématiques liées aux capacités des entreprises.
Au sein des équipes, ces crises en ont déstabilisé certains qui n’ont pas toujours su y faire face :
- Côté Commercial : les collaborateurs qui s’en sont le moins sorti sont ceux n’ont pas su adopter une attitude positive et ne sont pas parvenus à traiter les problèmes les uns après les autres ;
- Côté Achats : les collaborateurs qui n’utilisaient que des leviers prix dans une approche « price down » se sont retrouvés démunis face à la situation, voire mis en retrait. Par ailleurs, les achats directs ont été plus touchés que les achats indirects.
A l’inverse, certains ont été galvanisés par cette situation nouvelle et ont misé sur les valeurs communes avec leur interlocuteur, en faisant preuve de transparence et en adoptant des attitudes gagnantes dans leurs négociations :
- La balance des pouvoirs s’est parfois inversée : les commerciaux ont pu se montrer sélectifs quand les acheteurs ont dû se rendre plus que jamais attractifs ;
- La capacité à sortir des process est clé : ceux qui ont le mieux tiré leur épingle du jeu ont réussi à sortir développer une intelligence situationnelle pour prendre des décisions plus rapides.
Il apparait clairement que les actions « price-down » ont été reléguées au second plan, avec une focalisation sur les actions « cost-out » et surtout sur les leviers « value-in ». Par ailleurs, certaines entreprises clientes ont vu leurs fournisseurs leur annoncer qu’ils ne livreraient que 50 % de leurs besoins.
Collaboration interne entre services achats et ventes
Face à cette réalité, des entreprises ont retravaillé leur positionnement, comme IDEMIA qui s’est découvert « service essentiel à la vie de la Nation », et a fait le choix de se renforcer sur certains marchés et d’en abandonner d’autres. C’est notamment la collaboration en interne entre les services achats et ventes qui a permis cette réorientation stratégique.
« On voit désormais les achats qui arrivent en support des ventes : les vendeurs nous utilisent pour pousser les arguments, ou savoir comment être différenciant. » Xavier CASSIGNOL, Chief Procurement Officer, IDEMIA
De façon générale, les entreprises ont toutes été confrontées aux mêmes difficultés : perte de lien, collectif abimé, sentiment de solitude, démotivation, perte de sens, difficulté pour les collaborateurs à revenir sur site.
En parallèle, certains voient dans cette crise une véritable opportunité : les crises ont mis en exergue un besoin de piloter les entreprises différemment, de se recentrer et de basculer dans un autre mode de fonctionnement.
« La responsabilité des managers achats est de ne pas retourner en arrière avec les mêmes pratiques centrées sur les prix. Il faut aller vers de nouveaux leviers tels que l’économie circulaire ou le design to value ». Pascal PELON, Directeur des Achats, Axa France
Se pose alors la question de savoir comment réengager les collaborateurs, les remobiliser, redonner du sens à leur travail et les accompagner dans ce basculement.
Les compétences de demain
De nouvelles compétences recherchées chez les collaborateurs
Fort de ces constats, les entreprises ne s’attachent plus aux mêmes compétences pour recruter. Veronica CAPELLA-SOSSON identifie le profil des collaborateurs adaptés au contexte d’incertitude actuel : agiles, empathiques, à l’écoute et qui ont une intelligence collective tout en étant solides sur les fondamentaux techniques de leur métier.
Pour Xavier CASSIGNOL, il est aussi important que les collaborateurs aient une « vue globale de l’entreprise, de son écosystème et de la géopolitique ». Et plus de lien avec l’interne, le marketing et le business. Des profils d’entrepreneurs, qui ont en plus un rapport au risque intéressant. Il faut sécuriser, mais aussi être capable d’arbitrer et de prendre des risques mesurés.
Sylvie NOËL, CPO du groupe Covéa, rajoute que les acheteurs et commerciaux doivent plus que jamais développer leur curiosité. Tandis que le management intermédiaire doit aussi faire preuve de curiosité et accepter de ne pas tout savoir, pour permettre aux équipes de proposer des solutions nouvelles de « value in ».
Pour les représentantes du pôle Formation du groupe La Poste, c’est aussi la transversalité entre les fonctions qui importe. A travers notamment une mobilité interne appuyée par la formation. Un moyen de développer avec succès ces compétences d’empathie et de collectif au sein des équipes.
Enfin, il ressort que les enjeux environnementaux sont déterminants. C’est déjà le cas aujourd’hui, mais cela va s’accentuer fortement à l’avenir. Dans ce contexte, les équipes commerciales et achats doivent mieux comprendre les mécanismes de la transformation environnementale et sociétale. C’est-à-dire déterminer comment ils peuvent agir en intégrant ces leviers dans leurs stratégies. Et comment ils peuvent être le vecteur du changement auprès des clients, fournisseurs et partenaires, mais aussi de l’interne.
Un enjeu de recrutement et de rétention des talents
La recherche de ces nouveaux talents ou compétences différenciantes est d’autant plus complexe pour les recruteurs que les candidats sont de plus en plus exigeants. Les entreprises sont incitées à être plus attractives que jamais. Même les GAFAM rencontrent des difficultés à recruter aujourd’hui !
De la même manière, on note qu’il y a un turnover plus important. Chez Danone, on remarque que les candidats viennent pour un projet en particulier. Des projets motivés par leurs valeurs personnelles, comme l’enjeu de décarbonation de la chaîne d’approvisionnement. Cela pose notamment le problème de la temporalité. Difficile de se projeter à 3 ou 5 ans quand les collaborateurs peuvent « quitter le navire » au bout de 2 ans.
« Aux Pays-Bas, 60 % des employés sont des indépendants. On retrouve la même tendance aux Etats-Unis. Il faut se préparer à ce que les collaborateurs changent souvent d’entreprise ou ne viennent que pour un projet. » Amadeo ADELL, Cycles & Procurement Director, Danone France
Par ailleurs, les candidats aspirent naturellement à de meilleures conditions, tout en adoptant des postures complètement nouvelles. Ils ne recherchent plus seulement une entreprise ou un poste, mais aussi une équipe et des valeurs incarnées par leurs futurs managers. Sylvie NOËL cite notamment des candidats qui, pour la première fois dans sa longue expérience de recruteuse, lui demandent en entretien quelles sont ses valeurs, ou encore ce qu’elle fera dans 2 ans.
Développer les compétences et faire grandir les équipes
Une quête de sens et une demande de davantage de formation
Chaque entreprise doit se poser la question de ce qui mobilise ses employés pour créer l’engagement. Si l’on fait un parallèle avec la pyramide de Maslow, lorsque les besoins fondamentaux de postes et de salaires ont été satisfaits, il faut satisfaire les besoins supérieurs. D’abord ceux liés à l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, puis ceux à la relation managériale. Et enfin, au sommet, vient le besoin de trouver du sens dans son métier au quotidien. Il s’agit d’un phénomène très holistique.
Les enquêtes talents réalisées parmi les équipes d’IDEMIA le montrent : les salariés souhaitent des parcours de carrière. La rétention salariale ne suffit pas, les équipes veulent des engagements et réclament de la formation.
Des parcours formation adaptés à chaque entreprise
De la même manière, les collaborateurs ont remonté des alertes sur leur sentiment de solitude face aux difficultés. Ils ont exprimé un besoin de retrouver du collectif. Mais comment retrouver ce sens du collective ? La formation représente justement un moment collectif qui va permettre de redonner du sens.
« On peut se faire former par de multiples moyens : le digital est devenu un formidable outil. Mais il ne faut jamais oublier que l’apprentissage se fait aussi par nos pairs, par les échanges. On va pouvoir être galvanisé pour faire face à l’inconnu, à l’incertitude lié au métier et aux écosystèmes externes. » Valérie BLAIN, directrice de l’activité Développement des compétences, By.O Group
Dans ce contexte, l’importance du système de valeur de l’entreprise est à prendre en compte dans le développement de parcours de formation pour acheteurs ou commerciaux. Ce qui explique pourquoi un parcours de formation est toujours propre à chaque entreprise. Afin de répondre aux besoins spécifiques des équipes, et de continuer à valoriser le parcours de carrière au sein de l’entreprise.